Théories du complot : que sont les « chemtrails » ? Y a-t-il, oui ou non, une part de vérité dans cette théorie ?
Parmi les théories complotistes les plus répandues, les chemtrails sont sans doute dans la liste des plus débattues. Pour certains adeptes des théories du complot, c'est une évidence : ces traînées que l'on voit derrière les avions de ligne à haute altitude résultent en réalité de la dispersion de produits chimiques par le gouvernement à des fins de contrôle de la population et du climat... Mais que dit la science au sujet de ces traînées ? Devrions-nous nous inquiéter de leurs effets sur notre santé ? Y a-t-il une quelconque part de vérité dans cette théorie ?
La théorie du complot des chemtrails ne date pas d'hier... En effet, elle aurait initialement fait son apparition sur le web américain dans les années 1990, quand des complotistes proches de l’extrême droite étaient convaincus que le gouvernement essayait de les empoisonner. Selon Mike West, qui gère deux sites web consacrés à débunker la théorie des chemtrails, elle est surtout favorisée par les groupes d'extrême droite, car les arguments correspondent bien à leurs soupçons sur le gouvernement.
Les chemtrails, abréviation de « chemical trails » (« trainées chimiques »), sont ce que certains appellent les « traînées blanches » visibles derrière les avions de ligne en haute altitude. Les partisans de l'aspect chimique de ces trainées affirment qu'elles sont en fait des « nuages de produits chimiques » utilisés par le gouvernement ou une autre entité à grande échelle à des fins malveillantes, allant de la modification des conditions météorologiques au contrôle de la population humaine, en passant par la stérilisation et même le contrôle des esprits...
Selon ces théories, l'un des arguments qui apparaissent souvent est que le phénomène de condensation naturel dû au passage d'un avion à réaction devrait se dissiper rapidement dans le ciel, de sorte que toute trainée qui ne disparaît pas immédiatement contient forcément des substances supplémentaires non divulguées. Mais comme vous le savez, toute grande théorie nécessite de grandes preuves... Donc, que dit la science au sujet de ce qu'ils appellent les chemtrails ?
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Partout dans le monde, dont en France, les chemtrails sont une part non négligeable de la discussion autour de la grande théorie du complot... En effet, selon une enquête internationale, près de 17% des personnes interrogées ont déclaré que la croyance en l'existence d'un "programme atmosphérique secret à grande échelle" était au moins partiellement vraie.
La réponse des scientifiques
Pour répondre à cette préoccupation, un groupe de 77 scientifiques a publié un rapport dans le Journal of Environmental Research Letters après avoir étudié les preuves supposées de l'intention de nous « empoisonner par les chemtrails » diffusées par des groupes complotistes.
Le groupe de chercheurs de l'étude incluait des experts en science atmosphérique, notamment en ce qui concerne l'impact des avions sur l'atmosphère ainsi que les processus atmosphériques tels que la vitesse ou l'uniformité avec laquelle les produits chimiques sont diffusés dans l'air jusqu'au sol. Sur ces 77 scientifiques, 76 ont déclaré n'avoir trouvé aucune preuve d'un "programme secret atmosphérique à grande échelle" — soit 98,7%.
Au lieu de cela, ils ont découvert que "les données citées comme preuves (pour un tel programme) pouvaient aisément être expliquées par d'autres facteurs", y compris la physique et la chimie, dont des phénomènes bien compris associés aux avions. En d'autres termes, les preuves ont montré que les traces étaient simplement le résultat normalement attendu du passage d'un avion dans les airs selon des paramètres connus (dont notamment la quantité de chaleur dégagée par les turbines, la température et l'humidité de l'air ambiant, etc.).
Un seul des 77 scientifiques a noté quelque chose de différent. Ce dernier a notamment remarqué que dans un endroit isolé, les niveaux de baryum dans l'atmosphère étaient inhabituellement élevés par rapport aux niveaux de baryum dans le sol. Cependant, il n'a pas prétendu que la raison de ces niveaux élevés était une opération chimique à grande échelle. La seule chose qu'il a faite, c'est de laisser la question en suspens, étant donné qu'il n'avait pas pu trouver de raison évidente expliquant pourquoi les niveaux de baryum étaient plus élevés dans l'atmosphère dans la zone en question.
Contrôle du climat
Le contrôle du climat par géo-ingénierie, ou plus précisément « ingénierie climatique » existe bel et bien, mais pas sous cette forme. En effet, de nombreux pays développent désormais des technologies de contrôle du climat à petite et moyenne échelle, qui consiste souvent en la propagation de produits non nocifs dans le but de provoquer, par exemple, des précipitations dans des zones trop sèches et dans un but précis.
Récemment, la Chine a par exemple déclaré vouloir étendre son programme de contrôle artificiel du climat, bien que parfois les raisons de son utilisation étaient tout sauf justifiées (plus d'une fois, ils ont notamment provoqué des précipitations pour que le ciel puisse se dégager les jours d'importantes réunions politiques). Les techniques employées pour l’ensemencement de nuages impliquent notamment des particules d’iodure d’argent, larguées par des avions spécialisés (et non des avions de ligne !) ou dispersées par des structures au sol.
Que sont les traînées de condensation ?
Oui, leur vrai nom est simplement "traînées de condensation" (« contrails » en anglais), et elles sont principalement le résultat de la condensation de la vapeur d'eau lorsque les gaz d'échappement chauds expulsés par un moteur à réaction frappent l'air ambiant, qui est très froid à haute altitude. D'ailleurs, elles portent désormais le nom scientifique de Cirrus Homogenitus, selon l'Atlas international des nuages de 2017.
Il faut savoir que le carburéacteur (le combustible pour les moteurs d'avion à réaction ou à turbine) est composé d'hydrocarbures : des molécules constituées d'un mélange d'atomes d'hydrogène et de carbone. Lorsque ce carburant est brûlé, les liaisons chimiques qui maintiennent ces atomes d'hydrogène et de carbone ensemble libèrent de l'énergie pour propulser l'avion, et les morceaux d'hydrocarbures restants sont expulsés et laissés à la traîne derrière l'avion. Une grande partie de l'hydrogène se combine avec l'oxygène disponible pour former de l'H2O (de l'eau), qui constitue la majorité des traînées de condensation.
Les traînées de condensation ne sont pas si différentes de l'échappement d'une voiture par une journée froide ou même de votre propre respiration lorsque la température est basse. Selon l'American Chemical Society, les traînées de condensation sont également censées avoir un aspect différent lorsqu'elles traversent des zones dont la température ou l'humidité de l'air est différente. De même, votre souffle (d'air chaud) se dissipe plus lentement lorsque l'air ambiant contient plus d'humidité, mais il disparaît rapidement les jours plus secs.
Et si vous vous posez tout de même la question, sachez que selon l'Agence américaine pour la protection de l'environnement (EPA), les traînées de condensation ne représentent absolument aucun danger. Cependant, vous ne croirez probablement pas une fiche d'information de l'EPA si vous pensez que le gouvernement est derrière la tentative de déversement de substances toxiques sur de larges pans de la population... Voici ce qui pourrait vous rassurer davantage dans ce cas : certains scientifiques affirment que le nombre de personnes nécessaires pour mettre en place un tel projet (des dizaines de milliers) rendrait un quelconque effort de diffusion de traînées de produits chimiques à grande échelle incroyablement difficile à garder secret, voire impossible.
Et cela est sans compter le fait que nous partageons tous la même atmosphère, ce qui implique un contre-argument très simple, mais percutant : les individus qui mettraient en œuvre un tel plan se retrouveraient eux-mêmes en danger, ce qui est tout sauf logique. Comment contrer ce fait ? En portant un masque spécial 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 ? En ne sortant jamais ? En étant un extraterrestre insensible aux produits chimiques en question ? Blague à part, nous avons désormais (déjà) fait le tour de cette théorie du complot, dont l'argumentaire est en réalité très limité.
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